:: Patrick Sébastien nous invite chez la fameuse Denise Lascène, dans ses clubs libertins (le feu 106 et le 41), dans sa vie, dans son coeur. C'est une tendre déclaration d'amour de la part d'un homme torturé qui a trouvé chez cette dame le réconfort d'une 2nde maman.
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Je me rappelle à la maison, quand j'étais encore enfant, lorsque mon père choisissait le programme télévisuel, il n'était pas rare de l'entendre sortir un "Oh non pas l'aut' con !". Et souvent ce genre de phrase s'adressait tout spécialement à Patrick Sébastien.
Pourquoi Sébastien serait-il un con ?
- Pour mon père, d'une part, Sébastien c'est le grand con avec une grande gueule. Celui qui te coupe la parole, qui veut être sur le devant, qui cherche la lumière. Une sorte de malpoli prêt à tout pour se faire gentiment remarquer.
Alors connaissant mon père, un homme qui est plus dans la réserve que dans la démonstration, à la limite... je comprends.
- Pour l'intelligentsia, d'autre part, Sébastien c'est surtout le beauf, le gars de la France d'en bas qui aime la feria de Dax, la Corrèze et son cher club de Brives; c'est le fêtard excessif qui ne marche pas dans les clous et qui ne fait pas là où on lui dit de faire. Un mec un peu rebelle au milieu du PAF. Or, il est vrai qu'il est plus simple d'être un Drucker.
- Pour moi, Sébastien, c'est fou : alcool et sexe, ou deux exutoires puissants à la hauteurs des malheurs d'un homme à qui la vie n'a pas fait de cadeaux... C'est un mec qui s'est fait tout seul, à la force du poignet. Et in fine, il s'agit d'un gars indépendant. Si l'on ajoute à cela qu'il s'agit d'un mec curieux ,et par là cultivé, je suis forcé de dire qu'il force mon admiration.
Il n'est pas sans défaut j'en suis sûr: égotiste, très exigeant, excessif, étouffant etc ... mais jamais sans méchanceté aucune.
C'est en revanche quelqu'un de vraisemblablement généreux, qui a lancé des dizaines d'artistes dans ses propres shows ou qui n'hésitent pas à inviter un clochard pour ... se tapper la cloche au restau. Et souvent je repense à cette dernière anecdote, qui me fait croire en l'homme qu'il est, et parfois en l'Homme universel.
Bref, Sébastien est, pour moi, non pas un con mais un utopiste qui a été blessé. C'est un mec qui s'accroche à la vie comme un forcené et qui perpétue ses rêves au travers de ses amis les artistes et les rugbymen, c'est à dire des rêveurs et des fêtards, comme lui.
Et tout ça, l'exutoire, l'humour, la fête et l'acool, les blessures, l'oubli de soi et des cons... on le retrouve dans ce livre et donc chez cette fameuse Denise, infirmière du cul et du coeur siègeant toujours et encore au 41 de la rue Quincampoix.
Alors la morale de l'histoire de leurs vies respectives à ces deux personnages, Denise et Patrick, peut se résumer comme suit : il vaut mieux appeler un "pénis" une "bite", et, mieux vaut le libertinage en couple que l'adultère mensonger, l'hypocrite société bien pensante maudissant le premier pour mieux se vautrer dans le second.
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EXTRAIT:
"Tout le cynisme des années 90 est résumé dans le secret que va confier Faucon bleu à Denise, alors que sa protégée s'écroule soûle de fatigue et d'alcool sur la piste.
- C'est bon, elle est à point là. En fait, je l'ai amenée pour qu'elle profite bien, une dernière fois. Dans cinq minutes, je vais lui annoncer que son émission s'arrête et que je la vire.
- Mais c'est dégueulasse, fait Denise.
- Eh oui, la vie c'est comme un concombre: quelque fois tu l'as dans la main, quelquefois tu l'as dans le cul, rétorque le philosophe de mes couilles.
La formule est vulgaire, mais tellement moins que son cynisme.
Le cynisme, c'est le label des années 90. Erigé en valeur refuge, s'insinuant partout. Dans la pub, le cinéma, le sport, la télé.
On n'aime pas forcément Mitterrand, mais on parle de son machiavélisme comme d'une qualité. Le feuilleton Dallas a ouvert la voie quelques années auparavant et ils s'y sont tous engouffrés. Et rejetés bien loin des feux de la mode les vrais gentils, les généreux, les sincères. Has been, le sens de la parole donnée, la droiture, les codes d'honneur. Il faut réussir à tout prix. Un zeste de lâcheté, une pincée de fourberie, des plans de carrière, beaucoup d'arrivisme et aucun scrupule, voilà le credo des nouveaux maîtres à penser de la société française".
Vous avez sans doute démasqué qui était caché derrière Faucon bleu et sa protégée ?!
Le livre est rempli de ce genre d'anecdotes, sortes de brêves de comptoirs à libertins. Dépaysant, truculant, chaud ainsi qu'émouvant et plein de tendresse.
à 00:17